Aventures pech-gaillardiennes
C'est quand même assez fabuleux la vie. Ca nous offre des cadeaux et des expériences surprenantes comme cette branche pétrifiée par des dards de glace. J'étais ce jour là en plein milieu du Lot dans l'intention d'aller faire des photos de la famille de Lucie qui partait en ballade... Mais dès que j'ai un troisième oeil avec moi, c'est fini... Je reste en arrière, hypnotisé par l'objet de ma prise de vue. Effectivement, il s'agit bien là d'une bonne prise, surtout quand on se trouve à Pech...
Alors, bien décidé à retrouver le groupe parti en avant se ballader sur le Chemin de Saint-Jacques (parce que le GR 65 passe par Pech-Gaillard, ce qui est pour moi magique...), je tombe nez-à-oeil sur...
...un savoureux oeil de bois !... Et là encore, je traîne la savate, hésite à prendre en photo cet étrange objet qui est là, immobile comme un mutant surgit du froid. Au loin, dans la montée du chemin, le groupe s'éloigne vite, vite, vite. Ils parlent si bruyamment, leurs voix se répercutant dans les collines lotoises, que j'ai peine à croire que je vais les perdre de vue si je m'attarde juste quelques secondes pour prendre une photo.
En avant ! Je reprend la voie du chemin. J'entends au loin le tintamarre familial. Ils sont à 400 mètres devant. Ouf ! Si loin ? Mais leur totem familial, c'est le guépard ma parole ! A peine les aperçois-je qu'ils disparaissent dans un virage ou le haut d'une montée. Je longe les bois des collines et oh, que vois-je ? Encore une de ses créatures étranges qui se terrent dans le coeur des branches. Hop, une photo ! Quelle prise de bec !
Je continue la route. Qu'il est bon de retrouver le Chemin de Saint-Jacques ! Je repense à mon long périple. Je marche doucement, écoutant le silence...
Le silence ?
Mince ! Où est donc passée la famille de ma Lucie ? J'entends leurs voix résonner faiblement au loin, devant. J'accèlère l'allure. Trois virages... Ca monte un peu, "fait froid bon sang !", puis c'est le plat, le gris et l'humide. Et le chemin qui part au loin. Plus de bruit, plus rien... Je continue ma route...
QUOI ? J'ai fait 2 kilomètres 300 ?
"Mais y sont où les zozos là ? J'les entends plus, là !". Bon. Faut que
j'prenne une décision... Tenter de les rejoindre à tout prix ou faire
demi-tour et rentrer ? Mon intuition m'incite à continuer sur la
route asphaltée, car j'ai comme l'impression que le groupe que je
poursuis n'a pas dû bifurquer sur un chemin annexe à la route
principale... Allons-y !
300 mètres plus loin, je tombe sur deux
cousins de ma Lucie sur la route. Après discussion, ils me
déclarent qu'ils vont rentrer à Pech-Gaillard se tenir au chaud, mais
que le groupe n'est pas loin, à 5 minutes de marche devant moi... Bon.
"Et quand ont-ils l'intention de bifurquer sur un autre chemin ? "
ai-je demandé aux deux aventuriers du Lot perdu... "Ils vont tourner à
la première à gauche..." me dit J., assuré... Bon. Alors, j'y vais ! Ne
traînons pas...
Il faut savoir parfois ne pas écouter l'autre ! Je tourne sur le premier chemin à gauche et débouche dans les bois de la colline. Je m'enfonce dans ceux-ci en suivant un sentier. L'endroit est frais. J'accèlère le pas car devant moi j'entends la famille de ma Lucie qui parle. Ils ne doivent être plus très loin, maintenant. Le problème est que, bientôt, le sentier s'efface pour laisser la place à un terrain de plus en plus broussailleux. Je persiste à avancer dans la colline. Le terrain prend de la pente. Au bout d'un certain temps, plus rien. Plus aucune voix. Je suis paumé dans les bois avec l'appareil photo et son sac. Des bruits de craquements dans les bois, quelques pépiements d'oiseau et des bruits d'ailes et c'est tout... Gloups ! Je me sens peu rassuré.
Je tente le demi-tour, mais suis dans l'incapacité de retrouver l'endroit exact de mon itinéraire dans les bois... Puis je tombe nez-à-nez avec un tronc d'arbre, au pied duquel se trouve d'étranges marques noires. Urine d'homme ? Mmh.. Non... Urine de chevreuil ? Peut-être... Ils aboient tout le temps en ce moment... Urine de sanglier ? Pourquoi pas... Je me retourne pour reprendre mon chemin quand soudain, j'entends un grognement animal dans mon dos. Je suis pris d'un frisson et regarde derrière moi m'attendant à voir un sanglier... Gloups ! Rien. Nada. Le silence. Aurais-je des hallucinations ?
Je reprends mon rythme de marche et je découvre que ce grognement provient en réalité des couvercles des objectifs de mon appareil photo, dans mon sac, qui se frottent l'un sur l'autre au rythme de mes mouvements de marche. Je ris de ma situation et m'éloigne...
Après moultes pérégrinations dans les bois, je finis par me retrouver en bas de la colline. Je remonte une clairière. Je sue car la pente est raide. Le silence, lui, est pesant. Au sommet de la colline, je parviens finalement à retomber sur le sentier qui m'a mené dans les bois. J'ai chaud. J'ai froid aux mains. Mais peu importe, je me retourne pour accueillir le beau silence qui est là. Toute la colline baignent dans les nuages. Une brume monte vers moi progressivement. Il est l'heure pour moi de faire demi-tour... J'ai 3 kms de route à faire pour retourner sur Pech-Gaillard...
Fini ce cinéma, merci l'aventure, bonjour l'homme des bois moderne !